Shiki cherche Shiki [mission]

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Il était envirron 5 heures du matin, la grosse majorité du village dormait encore ou se préparait, chacun soigneusement tapis chez lui, lorsque Shiki quitta l’habitation qui lui était allouée.
Elle s’habilla rapidement, en silence, prit un sac dans lequel elle fourra pas mal de provisions, ,et profita de la discrétion du petit matin pour s’échapper…

Ce matin elle était sensée faire le chien de garde aux alentours du village nuke-nin. Tourner, tourner et encore tourner pour surveiller les alentours et accueillir les petits curieux par de cinglantes paroles comme elle en était capable. Mais rien que l’idée de retourner faire cette tâche ingrate lui donnait des sueurs froides, travailler ainsi pour la solde du village ne l’intéressait guère plus maintenant que Ryoko n’était plus. Rester dans ce village tout simplement d’ailleurs, Shiki était partie, Ryoko aussi, sa relation avec les autres n’était pas au mieux, et la solitude, se sentir perpétuellement seule allait arriver à bout de sa santé mentale. Elle deviendrait folle.

Elle partit donc après avoir déposé un mot devant l’antre d’Hideshi pour lui signaler qu’elle ne prendrait pas sa garde aujourd ‘hui.

L’air du village encore endormi était reposant, le calme, ce calme qu’elle recherchait tant et qu’elle avait finalement obtenu avec les morts conjointes de Shiki et Ryoko. Le calme qu’elle ne désirait plus maintenant qu’elle l’avait entre les doigts, un nouveau besoin d’action, de jouer, ses pulsions malsaines qui la poussaient à entrer en contact avec autrui. Non, elle recherchait le calme, mais pas celui-ci. Le calme de Shiki, l’envie d’être à son contact, de lui parler, la sentir, ressentir ce qu’elle aimait, ce qui l’effrayait. Voir le monde à travers les yeux de l’innocence, enfreindre les lois de l’attraction, aimer.
Shiki profitait de chaque souffle de la brise forestière qui léchait son visage, caressait sa peau, se faufilait dans ses manches pour remonter le long de ses bras, quelques courants d’air le long de la nuque, quelques frissons.
Elle avançait les yeux fermés, essayant d’imaginer ce qu’elle pourrait de nouveau être si Shiki revenait, essayait de retracer son histoire, son errance au travers de tous ces territoires découverts par le regard amical de sa consœur. Concentrée sur les bruits alentours, elle travaillait sa perception du monde au travers de ses derniers sens, travail vain pour ramener Shiki à la vie.

*Shi…ki.*

Elle s’agenouilla, les yeux toujours fermés, les doigts plantés dans la terre, était-ce elle ? Non, un simple mauvais tour de son esprit et pourtant… L’animal passa, effleurant sa peau de sa fourrure si douce, elle voulait le tuer, ici et maintenant, mais elle n’en fit rien. Etrange sensation dans le ventre, un sentiment si particulier que Shiki ressentait constamment, l’envie d’apprécier chaque chose, chaque détail du monde qui l’entourait à sa juste, le prix de la préservation de la vie, aimer. Si, c’était elle.

Shiki marcha encore quelques minutes, de longues minutes avant de quitter le village nuke-nin de vue. Elle rouvrit les yeux, réajusta son sac sur les épaules.
Et sans raison apparente, se mit à courir tel un sprinter qui voudrait arracher la victoire.

Elle courait frénétiquement, sans concentration, juste pour le plaisir de sentir ses muscles la consumer de l’intérieur.
Le souffle court, elle s’appliquait à contrôler sa respiration pour ne pas avoir à puiser dans ses ressources maintenant. Elle avait un but, retrouver l’endroit où sa vie débuta, le regard décidé, elle ramènerait Shiki, car c’était eux. Eux qui l’avaient utilisée, eux qui l’avait créée, eux qui venait de la lui voler.
La jeune femme continua ainsi longuement sa course, son corps la faisait souffrir, mais elle avançait, chaque pas la rapprochait de son but. Ses chairs la martyrisaient, c’était comme si son corps tout entier bouillonnait, comme si les muscles de ses cuisses et de ses mollets tentaient de résister à une déchirure inévitable.
Elle souffrait, mais telle était sa pénitence, le prix à payer pour ramener Shiki, pour retrouver la vie.

Les paysages se succédaient, la forêt avait rapidement laissé sa place au sable. L’atmosphère devenait oppressante, son estomac vide depuis le petit matin appelait à l’aide. Shiki pensa alors à arrêter de courir, elle ne pouvait se le permettre mais la fin était vraiment trop forte. Elle s’arrêta, sortit quelques provisions et mangea à l’image d’un animal féroce et affamé, un animal qui devait lutter pour sa survie comme elle le faisait maintenant. Car si Shiki ne revenait pas, elle en mourrait.

Une lumière vive inondait la jeune femme, aussi rayonnante et aveuglante qu’au premier jour.
Les yeux clos, Shiki se tint immobile à l’entrée du désert, elle restait plantée là, l’esprit perdu et embourbé dans les méandres de son passé.
Elle ouvrit lentement les yeux, le passé surgissait de nouveau comme une vérité inébranlable dont elle ne pouvait se soustraire. Ses paupières firent toute une succession de petits clignements, la main devant les yeux pour se protéger du soleil, Shiki tourna la tête. L’animal était là, le même lui semblait. Le lézard la toisait de ses deux immenses globes lui servant d’yeux. Comme au premier jour, elle tourna la tête sur le côté, lentement, tendit une main dans sa direction comme un cri d’espoir qui resta silencieux. Lui, fit rouler ses deux globes dans leurs orbites avant de fuir, probablement effrayé.
Elle partit.

Comme tout autant de flash lui arrachant la même douleur au plus profond de sa tête, ses souvenirs revenaient un à un. L’homme, sur lequel elle passait ses nuits, le contact de leurs peaux nues, sa chaleur communicante, les lois de l’attraction et les chevauchées qui en découlaient. Shiki avait vécue la majeure partie de ce voyage, n’abandonnant que quelques bribes de souvenirs à sa propre personne, tapie dans les méandres de sa tête et qui guettait patiemment le moment venu pour ôter la vie à leur guide.
Shiki tournait, le désert restait le même, le soleil avançait, et elle ne faisait que reculer. Elle était perdue, impossible de retrouver quoi que ce soit ici. Les jours s’enchainaient, la jeune femme rongeait son frein, était-ce réellement le prix qu’il lui fallait payer pour ramener Shiki dans le monde qui était le leur ?!
Aucun doute.

Clignements de paupières, vive lumière, brûlures sur sa peau, Shiki contemplait ses propres doigts et mains. La peau partait et pourtant, elle restait la même. Etait-elle morte ? Seule dans ce foutu désert. Elle ne pouvait pas, et pourtant le temps semblait s’écouler si lentement, les jours se rallongeaient et en regardant sa peau, Shiki pouvait comme voir à l’œil nu le temps passer.
Le néant, elle sombra.

Un jour, peut-être deux s’étaient écoulés depuis que le noir avait embourbé sa vision et son esprit. Le décor avait changé, cette dune n’était pas là la dernière fois. Ses narines se gonflèrent, l’humidité, cette sensation fraiche que Shiki n’avait pas ressentie depuis de longues journées maintenant. L’odeur des fines particules d’eau emplissait l’air, et pourtant le désert s’étendait toujours à perte de vue. Shiki se sentit prise d’ivresse, un mal de ventre terrible, la faim.
Le sable s’approcha de son visage, une main sur sa cuisse, la brûlure de l’œsophage, le liquide écœurant s’échappa de ses lèvres pour mourir et se glisser entre les milliers de grains de sable qui constituaient le sol sur lequel elle se trouvait. Shiki se redressa, crachant à intervalles réguliers pour évacuer le goût pestilentiel qui résidait sur son palais et sa gorge. Sa vision était floue, et pourtant, elle vit ce qu’elle recherchait. La jeune femme se sentit prise de vertiges, le passé surgissait de nouveau.

Shiki courait, nue, maladroitement, elle sortait de la petite ouverture masquée par les arbres, le corps ensanglanté. Elle pleurait toutes les larmes de son corps, et pourtant ses yeux humides affichaient l’espoir, l’espoir d’une vie nouvelle qui lui tendait les bras. Elle était seule mais rapidement rejointe par deux hommes armés. Ils portaient les mêmes vêtements que son gardien, une allure stricte et militaire qui contrastait avec leur comportement à l’égard des jeunes femmes de cet endroit.
La corde s’enroula autour de ses chevilles, Shiki chuta, recroquevillée comme un chien marqué par les coups de bâtons de son maitre. Ses muscles semblaient agir d’eux-mêmes, pris de tremblements, elle avait froid et peur, elle pleurait et hurlait. L’un des hommes s’arrêta alors de frapper, contemplant la peau endolorie de la malheureuse gisant à leurs pieds. Il parlait, un rire malsain sur les lèvres. Shiki comprit.
Leurs crânes explosèrent d’eux-mêmes, laissant les corps sans vie affalés sur celui de la jeune femme à l’intimité une nouvelle fois baffouée.

Shiki était tombée à genou, perdue, elle pleurait elle aussi, sa voix appelant à l’aide dans ce désert dénué de tout sens. Le sombre tableau était marqué par le bourdonnement de la pluie en fond sonore. Les bras tendus en direction de la scène qui ne se déroulait que dans sa tête mais que Shiki considérait comme réelle, elle suppliait d’arrêter. De la laisser partir.
La tristesse et le dégout laissèrent finalement place à la rage et la haine, une envie insatiable d’offrir la peine éternelle à tous ces hommes et toutes ces hommes qui ne l’avaient considérée que comme un objet. La petite porte d’acier s’offrait à son regard, quelques pas, rien de plus et tout serait envolé. Plus de peur, plus d’affreux souvenirs, plus de peines, Shiki reviendrait.

La porte, métallique, semblait avoir été réparée depuis l'évasion de Shiki. Mais c'était bien la même porte, visiblement très très neuve, très très brillante sous la lueur solaire. De l'extérieur, on ne voyait aucune poignée, tout juste une plaque métallique, preuve qu'on ouvre en poussant. Evidemment, il faut une clef, à en juger par la serrure... De mémoire, la serrure était plus vétuste lors de son dernier passage, celle là à l'air bien plus complexe.

Un peu plus loin, sur la gauche, Shiki repéra une large bouche d'aération circulaire, sortant du sol. Elle ne l'avait pas remarquée lors de sa fuite, le dispositif serait nouveau également ? Quoi qu'il en fut, l'ouverture, passé la grille de protection, vissée sur le conduit, était assez grande pour permettre à cinq personne de descendre en même temps. En s'approchant, on peut sentir quelques relents putrides de chair en décomposition, ainsi qu'un souffle capable de soulever les cheveux de la désertrice.

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Shiki s’approcha lentement, sur ses gardes malgré l’apparente furie qui s’emparait d’elle. Il ne fallait pas qu’elle se fasse avoir si vite, non elle ne devait pas être prise si vite. Pas avant d’avoir ramené Shiki. Elle inspecta la porte, comme l’on pouvait s’y attendre elle était neuve. Un peu plus de six mois étaient passés depuis qu’elle était partie, et pas mal de choses avaient du changer à l’intérieur. Arriverait-elle à se repérer encore ?!
Les doigts blancs de la jeune femme effleurèrent l’acier, lentement, presque tendrement, là se trouvait la clé de ses souvenirs et de son passé, juste sous ses doigts. Elle fut prise d’une étrange contradiction, l’envie d’entrer et de voir ce qu’il y avait maintenant, mais aussi l’envie de repartir, la peur d’affronter les vieux démons qui n’attendaient que ça, qu’un simple mouvement de sa part pour resurgir et la tourmenter. Shiki poussa légèrement la porte, rien. Elle réessaya, toujours rien. Légèrement frustrée, la jeune femme écrasa le plat de la semelle de sa botte contre la serrure, toujours rien. Elle grommelait, la dernière avait été plus simple, et elle ne pouvait pas rester bloquée dehors de cette façon.
Lasse et pensive, la jeune femme s’accroupie telle une gosse désemparée. Ses yeux voyageaient le long de la terre qui parcourait la zone dans laquelle elle se trouvait. Une larme se dessinait le long de sa joue, à peine commencé que le souvenir de sa vie la trahissait déjà. Que faire ?

La bouche d’aération n’était pas loin, vraiment pas loin, un espoir. Shiki s’en approcha, lentement au cas où un quelconque piège y serait placé. L’odeur pestilentielle provoqua un haut le cœur, que faisaient-ils ici ?! Jamais, oh non jamais elle avait senti cette odeur dans le laboratoire. Se pinçant le nez du bout du pouce et de l’index, Shiki posa l’océan de ses yeux sur ce qu’il pouvait y avoir au fond. Stupeur, le courant était vraiment violent, trop pour qu’elle puisse y faire quoi que ce soit, d’autant plus que l’odeur était écœurante. Cela pouvait sembler être la meilleure issue pour passer inaperçue, mais elle ne pouvait pas, vraiment pas.

Elle retourna en arrière, lentement, toujours pensive, prenant son menton entre les doigts, tripotant ses kunais de l’autre main. L’idée.
La jeune femme se positionna face à la porte, fermant les yeux pour se concentrer un peu plus. Le chakra perlait tout d’abord sur la peau de la jeune femme avant de devenir plus agressive. Shiki puisait au plus profond de son esprit tordu les pulsions les plus mauvaises qu’elle pouvait avoir. Elle repensait aux horreurs qui lui furent infligées, toutes ces idées noires ne firent qu’un tour dans sa tête avant que Shiki ne devienne sincèrement mauvaise.
Le fusain partit, lentement, passant dans l’acier comme dans une motte de beurre afin de briser les verrous de la serrure. Malgré la rage qui l’habitait, la jeune tentait néanmoins de faire cela en silence, refreiner l’envie de les attirer tous pour les découper en morceaux, ne laisser qu’un tas de cadavres puants et en miettes dont même les experts mettraient des dizaines d’années à reconstituer les morceaux. Pour Shiki et Shiki, il fallait que cela marche.

La porte, bien qu'en métal, céda facilement. Il y eut un léger chuintement, lorsque le chakra de Shiki pénétra la protection métallique, avant de réduire le mécanisme de la serrure à l'état de boulette de chakra compacte. Sans verrou, plus rien pour retenir l'ouverture. Entrant dans la pièce, la désertrice tomba sur une pièce... Une garde pièce circulaire, avec des projecteurs fixés au plafonds - pour l'instant éteinds - et du carelage blanc sur les murs. Le sol était fait de bois, un joli bois brun-rouge, parfaitement lisse et brillant. Il n'y avait aucun meuble, une porte simple en bois trônait de l'autre côté, face à Shiki.

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La porte s’ouvrit, enfin Shiki l’ouvra, elle poussait lentement au cas où quelqu’un se trouverait derrière, mais non. La pièce était totalement vide, légèrement plus sombre que la lumière extérieure. Après quelques secondes d’adaptation, la jeune femme se détendit de tout son long, fière d’avoir passé la première étape : entrer dans le complexe. Shiki fut néanmoins surprise de constater le coquet du lieu. Deux possibilités s’offraient à elle, soit elle avait complètement perdu ses souvenirs sur l’agencement des lieux, soit tout avait radicalement changé, pinçant son menton entre ses doigts, elle s’avança un peu plus au centre du local.
Après avoir prit une profonde inspiration, Shiki referma les yeux, essayant de s’imprégner de l’ambiance qui régnait ici, cherchant le moindre élément qui pourrait lui provoquer un flash, l’apparition d’un vague souvenir quel qu’il soit, la moindre sensation qui lui ferait ressentir la présence de Shiki. Mais rien, un grand vide spirituel à l’image de cette salle creuse. La silhouette se dirigea alors vers l’une des parois de la pièce. Sa peau se posa lentement sur le carrelage, ne négligeant aucunes rainures constituées par les joints qui retenaient les carreaux. Mais rien, strictement rien ne lui venait en tête.
Elle s’élança alors en direction de l’unique issue qui faisait face à la porte par laquelle elle était entrée. Le bois semblait l’appeler, elle lui répondit, posa sa main sur l’entrée et tenta d’ouvrir la seule issue.

Après cette pièce, Shiki se retrouva dans un complexe qu'elle connaissait très bien, pour l'avoir déjà parcouru. Bien qu'il put sembler plus neuf qu'auparavent, les réseaux de couloirs étaient les mêmes. Par où aller maintenant ? Dans quelle direction ? A première vue, l'endroit semblait désert ou, tout du moins, personne n'arpentaient les couloirs pour l'instant...

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Shiki tomba sur les longs couloirs ternes et froids du complexe. Bien qu’elle ne les ait parcouru qu’une simple et unique fois de son plein gré lors de sa fuite, contrainte habituellement à en arpenter les dédales que solidement harnachée sur les longs et glacials lits d’hôpitaux pour aller de sa cellule aux divers laboratoires de recherche, la jeune femme gardait le souvenir de son trajet soigneusement gravé dans sa tête. Elle s’avança, d’abord lentement, puis d’un pas plus assuré, une main contre le mur nu à la teinte légèrement bleutée. Etrangement, Shiki semblait comme en apprécier le contact aseptisé, elle retrouvait cette sensation qui l’avait constamment animée lorsqu’elle fut captive de tous ces laborantins. La peur, la peur de l’avenir, la peur de ce que l’on pourrait lui faire. Mais aussi la sensation de Shiki, le bonheur de la savoir soumise à la volonté de ses tortionnaires, la savoir soumise à sa propre volonté, la garder sous l’emprise de l’espoir, celui d’être sauvée par sa consœur, chose qui arriva quelques fois. Et le bonheur cela fait, de voir Shiki être toujours plus malmenée à sa place.
Son cœur s’accéléra, un sourire malsain sur le visage, ô oui elle aimait cette époque. Peut-être même plus que l’air sous l’égide de Ryoko, malheureusement ce sentiment n’était pas partagé par Shiki, cette sale garce trop gentille pour mériter de vivre, mais à la fois si importante aux yeux de la jeune femme.
Shiki déambulait dans les longs couloirs de laboratoire, tournant tout d’abord à droite, puis à gauche avant de s’arrêter. Il lui semblait entendre les cris, les gloussements et les gémissements des autres sujets d’expérimentations présents dans le complexe. Elle se stoppa, soudainement prise de vertiges, était-ce réel ou dans sa tête ?! Elle n’en savait rien mais la nausée grimpait. Elle avait peur, en réalité oui, cette même peur qui tiraillait Shiki, elle la ressentait à son tour. Accroupie, une main sur son genou, l’autre contre le mur, Shiki tentait de reprendre son souffle, d’évacuer l’étrange sensation de mal-être ambiant qui la gagnait. Elle n’aimait pas ces endroits, une peur bleue de tout ce qui s’approchait de près ou de loin à un hôpital, là elle était en plein dedans. Au cœur de la bête.
Après avoir dégluti avec difficulté, la jeune femme se releva, portant la main à la bouche pour retenir ce qui semblait vouloir sortir, mais rien. Seulement ce maudit mal de ventre qui venait de la prendre. Encore quelques pas, et elle arriverait à l’ascenseur, celui qui l’emmènerait directement dans le sacre saint.

Personne n'était là pour garder l'ascenceur. Personne n'arpentait les couloirs, personne ne parlait, personne ne respirait. Shiki était seule, dans ce complexe autant que dans sa tête, puisque Shiki n'était plus là, avec elle. La désertrice avançait donc, arrivant jusqu'à cet ascenseur qui devait la conduire jusque dans le sacre saint, là où on l'avait gardée captive, jusqu'à son évasion. Qu'il n'y ai pas de gardes, jusqu'ici, parut étrange. Lors de sa fuite, elle en avait croisé au moins un, les autres ayant fuit en voyant leur collègue coupé en deux par une force invisible, à l'approche de ce sujet d'expérience rebel. Ils n'avaient pas du prévoir une intrusion, concentrant probablement la surveillance au niveau des cellules, là où les risques étaient majoritaires. Quoi qu'il en fut, une simple pression sur le bouton et la double porte s'ouvrait. Une seconde pression, à l'intérieur, et elle se refermait.

Shiki descendait plus profondément dans les entrailles de la terre.
L'ascenseur était à vitesse moyenne, constante, pendant toute sa descente aux enfers. Shiki se sentait plus légère pendant ce trajet, la force de pesenteur étant atténuée par la chute contrôlée de la cabine. L'ascenseur s'arrêta, finalement, ses portes s'ouvrirent. Comparé à l'obscurité des couloirs précédente, le blanc éclatant qui couvrait les murs carelés comme à l'entrée, ainsi que le sol et même le plafond, réverbéraient la luminosité des halogènes placés un peu partout dans la pièce. La pièce n'était pas vraiment circulaire, puisqu'étant cassée en plusieurs segments. Cinq portes, en plus de celle par laquelle entrait Shiki, étaient disposées sur les murs. En dehors de ça, le grand espace que prenait cette pièce n'était ni meublé, ni peuplé, il n'y avait rien... ou presque.

Au centre, trônait un truc que Shiki pouvait facilement comparer à une table d'opération. Mais, pas d'outils, pas de matériel, pas de lampes de chirurgie pour éclairer le travail des médecins, rien. Juste cette table et ce corps. A en juger par la forme que prend le drap blanc sur cette table, il y a assurément un corps dessus. Un corps féminin.

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La nausée ne semblait jamais s’arrêter. Déjà plus haut, Shiki se sentait prise de vertiges, mais la longue et interminable descente dans cet ascenseur exigüe et toutes les sensations qui s’y attachaient avait même permis à son mal-être de s’accentuer. Lorsque la porte s’ouvrit enfin, les deux orbites bleues étaient comme révulsée. La désertrice ne se sentait pas capable d’en déterminer la raison exacte, peut-être que le simple fait de revenir à l’endroit où sa vie démarra lui provoquait ce mal. Un lieu beaucoup plus malsain qu’elle ne pouvait l’être elle-même. Ou alors était-ce cette phobie que son esprit torturé avait développée à l’égard de tout ce qui pouvait se rapprocher de la médecine.
Elle resta figée, d’abord aveuglée par la violente lumière qui contrastait autant avec l’étage précédent, puis une boule dans le ventre. La peur, oui sûrement la peur. La pièce semblait interminable, tous ces reflets plus violents les uns que les autres sur les murs immaculés du complexe. La nausée se fit plus grande, les vertiges aussi, Shiki du se retenir contre le mur pour ne pas s’effondrer. Un pas, puis un deuxième, l’atmosphère devint insoutenable pour la jeune femme, un raclement de gorge nerveux et noyé. Elle se retourna, posa une main sur sa cuisse et se pencha en avant. Les ténèbres dans lesquelles Shiki était plongée avaient rapidement laissées place à une chaleur, ou plutôt une brûlure qui remonta le long de son tube digestif. La bile brûlante et fumante gisait le carrelage blanc, sa coulée le long du carrelage murale prenait d’étranges formes rappelant un visage familier dans la tête de la jeune femme. Un visage triste, presque apeuré, le sien. Non, celui de Shiki.
Elle resta plantée là quelques minutes à regarder ce qui venait de sortir de son estomac glisser le long du mur de la pièce, l’ascenseur se referma mais elle ne put y prêter plus d’attention que cela. Une larme, elle pleurait presque.
Finalement, Shiki se redressa dans un ample mouvement grossier, quelques pas mal-assuré, elle manqua de chuter avant d’arriver à proximité du lit le long duquel ses doigts pâles glissèrent sur plusieurs centimètres. Le contact de l’armature d’acier la ramena quelque peu à la réalité, une horrible réalité qu’elle aurait finalement préféré ne pas connaitre. Shiki se figea, les yeux rivés sur le drap déformé par le corps qui gisait là, le liquide lacrymal heurta le drap, abandonnant par la même occasion une petite auréole grisâtre rapidement rejoint par une seconde. Le long manteau à la couleur proche du corbeau s’étira le long du corps inerte étendu sur le lit, Shiki s’approcha de la tête, ses doigts parcourant négligemment les formes féminines jusqu’à atteindre le visage. Une inspiration, elle ne pensait pas, il le valait mieux. Faire fi de toutes ses émotions et de ses sentiments, autrement elle resterait figée telle une statue de marbre attendant lâchement que le temps fasse son effet.
Le drap parcouru lentement le visage du corps, d’abord le crâne, puis les… Non, Shiki ferma d’abord les yeux, toujours humides. Ce n’est qu’une fois le visage totalement découvert que ses pupilles regagnèrent la vue.

Un visage ?
On aurait mis un miroir sur le visage de la femme étendue là que l'effet aurait été le même pour Shiki. Sous ses yeux, il y avait elle. Ou peut être était ce Shiki ? Ce visage, elle le connaissait pour être le sien, jusque dans les moindres détails de son grain de peau, jusque dans le moindre de ses recoins. Un double, une copie... ou une origine. Quoi qu'il en fut, cette fille ouvrit les yeux, posant des iris de la même couleur que ceux de la désertrice sur elle. Presque aussitôt, Shiki fut propulsée à l'autre bout de la pièce, par une force invisible qui venait de la percuter au torse. Le temps que la nukenin roule par terre, se stabilise, puis se relève, son sosie s'était assise sur la table d'opération, le visage dans ses mains. Elle était nue, sa poitrine libre aux regards de sa vis à vis.

Cette fille semblait des plus perdue, à en juger par ses mouvements saccadés. Elle semblait même souffrir, se tenant les épaules, comme si elle avait froid, se courbant en gémissant. Finalement, elle se mit à hurler. Accompagnant son cri, le sol, les murs, le plafond, de toute la pièce, se murent à se fissurer. Shiki elle même sentait l'onde vibratoire de cette voix la remuer au plus profond de ses entrailles et martyriser ses tympans. Quelques halogènes éclatèrent, puis la fille s'arrêta, fixant Shiki d'un air mauvais. Contrairement à cette dernière, cette copie ne semblait pas disposer de conscience humaine, ses yeux étaient simplement injectés de sang, tandis qu'elle fixait la désertrice, une lueur animale dans le regard...

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Les yeux, ses yeux, le même azur tenace qui la fit valdinguer dans la pièce. L’espace d’une seconde, peut-être deux, le regard de Shiki afficha une surprise non dissimulée à la vue d’elle-même. Un air si serein, presque trop avant que ce corps en tout point remarquable ne prenne vie à son tour. Ou peut-être que non, ce n’était que l’animation de la non-vie. Shiki se sentit flotter quelques instants, de longues secondes durant lesquelles un nombre incroyable de flashs se succédèrent dans sa tête.
Elle se vit elle-même, elle ou Shiki, toute aussi nue que l’était sa probable sœur, ou mère, ou fille, abandonnée par les hommes en blouses blanches. L’un d’eux portaient une tablette d’aluminium sur laquelle étaient entreposées plusieurs tubes de verre aux extrémités aiguisées, l’un paraissait bleu, le second rouge, le troisième teinté d’un bleu presque noir jusqu’à mi-mesure alors que le dernier restait transparent. Regardant son bras, elle vit le coton imprégné de petites gouttelettes de son sang. La lumière se tut.
Plusieurs claquements, une lumière vive apparut. Shiki n’y voyait que du blanc, la pureté de son malheur et de son horreur. Une chaleur au niveau des temps, elle se tient la tête, regarde le sol assise par terre, genoux repliés contre sa poitrine et le dos rond. Le carrelage balance lentement, le bourdonnement s’intensifie, un majestueux opéra qui atteignit son apogée lorsque le bruit sourd de la porte métallique qui claque retentit. Une paire de botte, un treillis, c’est lui. Quelques bruits de pas qui se rapprochent, ses yeux grimpent le long de ces deux jambes destructives qui martèlent le dallage blanc. Un rire, mesquin, vicieux, pervers, avant que le bâton ne démarre sa course en direction du crâne de la jeune fille. Elle cri, la douleur n’arrive pas mais son corps tremble déjà, pris de convulsions mêlant l’effroi et la soumission. Il rit plus fort, un chant macabre qui résonnait dans la tête de la jeune fille. Elle cri de plus belle.

Le souffle court, non pas à cause du choc, mais plutôt ce qui traversa son esprit, Shiki se fixait dans les yeux. Surprise de se voir ainsi, jamais elle n’avait été dans cet état, jamais, que lui arrivait-il ? Les murs semblaient comme prit de vie tout d’un coup, remuant à leur guise, tordant la jeune femme dans l’ivresse marine qu’elle ressentait. Sa main vient ôter son manteau, ses yeux eux, étaient emplis de compassion, de peine, plein d’empathie cherchant la moindre once d’humanité dans ceux de sa sœur, il fallait qu’elle revienne, elle ne pouvait pas la laisser ainsi.
Lentement, sans gestes brusques, Shiki s’approcha pour couvrir le corps de son clone, lui apprendre l’intimité, à se préserver. Elle espérait simplement que cela soit possible.

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